Dans cette oeuvre, Grosz apparaît comme un éclaireur dont le génie doit guider le peuple allemand unifié, vers un futur triomphant. Artiste épris de libertés, il évoque de façon exagérée et satyrique, la société allemande de la République de Weimar. Il mêle l’allégorie à la réalité et l’idéologie communiste comme parallèle à une élite opportuniste et hypocrite. De cette société mercantile, il célèbre la lutte des classes contre la bourgeoisie libérable.
Les Piliers de la société – Berlin, 1926 – huile sur toile, 200 x 108 cm – Berlin, Musée de la Nationalgalerie
La caractéristique assez singulière de l’oeuvre est sa géométrie linéaire. En effet, celui-ci se compose de deux lignes de fonds surprenantes, qui met en lumière, la superposition des différents personnages du tableau qui montre la hiérarchie et la place des élites dans la société allemande. La première ligne, horizontale, sépare le tableau en deux. On peut alors distinguer en premier plan, la société politique et en arrière plan, l’ordre moral constitué du Clergé et de l’armée. En outre, la ligne verticale est la représentation d’une stricte séparation entre les deux classes sociales de l’époque : la bourgeoisie et le prolétariat (ici représenté par des bâtiments brûlés). De même, l’on peut observer que ces ouvriers sont pourchassés par la police politique. La contradiction de la scène est ici très apparente !
Grosz utilise le symbole, à la manière expressionniste, sous la forme d’une image associée à une idée. Le personnage en premier plan est un aristocrate. Cette incarnation de l’homme politique nationaliste, tient dans sa main droite un sabre, et porte une cravate sur laquelle se trouve une croix gammée, symbole du nazisme. Certains historiens s’accordent à penser qu’il s’agit du marechal Hindenburg, incarnation du pouvoir politique de l’ancien Empire Allemand. À sa droite se trouve, un leader social – démocrate. La vision de Grosz sur les hommes politiques est ici très éloquente ! Il pense que la tête des policiticiens est remplie d’excréments fumants. Il porte un drapeau de l’ancien Empire Allemand ainsi qu’une pancarte électorale : « Sozialismus ist Arbeit » (Le socialisme c’est le travail). Cette caricature de l’homme politique corrompue est clairement adressé à Friedrich Ebert, président du Reich de 1919 à 1925. À sa gauche se trouve un journaliste. Tout comme les politiciens, Grosz porte peut d’intérêt au monde de la presse. Son cerveau est égal à un pot de chambre et il tient lui aussi dans sa main droite, un palme de la victoire ensanglantée, synonyme d’échec de la Paix. Il critique ici, l’homme d’affaire Alfred Hugenberg, propriétaire de nombreux journaux d’extrême droite comme le « Lokal Anzeiger ». En arrière plan, un ecclésiastique au rictus infernal semble donner son approbation à l’Allemagne Nazie. L’on peut penser qu’il s’agit ici du juge Roland Freisler. Enfin, les soldats en arrière plan sont une allusion aux SA. Ceux-ci constituent un contre pouvoir au sein de la République de Weimar. Ces derniers représentent une véritable menace antidémocratique. L’officier lourdement armé n’est autre que Ernst Röhm, chef des Corps Francs.
Les couleurs que l’auteur a choisi de privilégier sont le beige, le marron, le noir, le gris et le rouge. Les projections de lumière sont différentes en bas et en haut de la toile. La couleur est plutôt claire en bas du tableau et s’assombrit en remontant. Les différentes couleurs et les nuances de lumière reflètent une atmosphère de violence voire même de fureur avec le rouge, couleur sang.
Georg Grosz en tant que communiste, représente dans ce tableau satyrique, l’élite de la République de Weimar de manière dévalorisante. Ce dernier, dénonce les élites aveugles et corrompued, responsables de la guerre. Il s’agit d’une vision féroce de la société de Weimar, une oeuvre de montage avec des personnages masculins caricaturaux. Par ailleurs, il anticipe les horreurs que produira le nazisme, en raison du maxime politique des institutions de la République de Weimar.
Le Dadaïsme avec le tableau de Grosz, àdéveloppé la réflexion et la critique. Quarante ans plus tard, Heinz G. Konsalik, achève Le Destin se prête aux pauvres, relatant le passage de la République de Weimar à la dictature nazie. Les élites sont ainsi responsables de la misère humaine et de la fin de la démocratie en Allemagne. Ce roman épique retrace ainsi, la perception d’une Allemagne déclinante socialement et soumise à l’opportunisme des dirigeants politiques.
Ce tableau semble être son dernier message. Grosz a peut être voulu dire que la lutte n’est jamais finie, même à l’heure de l’injustice. Le combat de l’esprit avec soi-même, n’est pas conclu. Le combat du génie ne peut jamais finir. Mort en 1959, il verra son Allemagne chérie de nouveau plonger dans la dictature et à nouveau se déchirer politiquement, à l’issue de l’Apres-guerre.