L’Epuration est la période la plus funeste de l’Histoire de France. Elle succède à ce que les historiens appellent l’occupation. De 1944 jusqu’aux années 50, plus de 12000 exécutions sommaires ont lieues sur le territoire francais, contre des individus ayant collaborés de près ou de loin, avec Vichy et les autorités nazies.
La morbide époque de l’épuration immortalisée par Robert Capa, à Chartres au courant de l’été 1944
Au début de la Guerre, la Collaboration est un phénomène courant résumé par la maxime « Donne-moi ta montre, je te dirais l’heure ! ». Tout le monde porte la Francisque et glorifient le Maréchal Pétain comme étant le Sauveur de la France.
La poignée de main de Montoire est l’avènement de la Collaboration en France
D’ailleurs aux premières heures de l’Occupation, l’atmosphère entre allemands et français est plutôt cordiale comme l’illustre la photo de Robert Weber, photographe de la » Propaganda Kompanien « . Les forces d’occupations allemandes sont ainsi dévouées corps et âmes à la protection des civils français.
Affiche de propagande de 1940, pour sensibiliser les français à la présence allemande sur leur territoire
Pourtant, les allemands vont mettre en place le système de dénonciation anonyme,pour alimenter leurs dossiers confidentiels. Or, ces dénonciations anonymes vont devenir de vrais phénomènes de mode où on dénonce les grands-parents pour accélérer l’héritage ou le voisin gênant dont le chien braille tous les soirs avec généralement une petite compensation financière à la clé. A partir de 1942, on distingue deux types de collaborations. La « collaboration politique » et la « collaboration horizontale ».
Papier de délation dans la France des Années NNoires
La Collaboration politique initiée par Vichy a pour but :
– De prôner l’idéologie fasciste,
– De s’associer aux allemands dans la déportation des Juifs de France comme lors de la Rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet 1942,
– D’aryaniser tous leurs biens personnels comme ceux de l’ancien ministre de l’Intérieur Georges Mandel,
– D’intégrer les Forces de l’Ordre aux projets de répressions sur la population civile à l’image des Brigades Spéciales de Lucien Rothée et de la Milice de Joseph Darnand responsable du massacre des Glières en mars 1944,
– D’assister l’économie et l’industrie allemande en réquisitionnant des entreprises locales comme Renault et fournissant la main d’œuvre, encadrée par Julius Ritter responsable du STO en France.
La Milice, outil de la répression nazie en France
La « collaboration horizontale » concerne les femmes ayant couchée avec les allemands. Dans la ville du Mans en Sarthe, l’alsacienne Magdeleine Schwab est l’archétype parfait de la « collaboration horizontale ». En effet, épouse de l’officier allemand Linge, maîtresse du chef de la Felkommandantur 755 Nüggets, elle prenait du plaisir à torturer elle-même les pauvre résistants prisonniers au 92 rue des Fontaines. En outre, dans les bordels du quai Louis Blanc, elle s’amusait à donner des coups de cravaches aux officiers SS en culotte de cuir qui ne demandaient que cela.
Un officier de la Wehrmacht déambulant dans les rues de Paris en charmante compagnie
La Mafia s’est egalement immiscée dans la Collaboration. Le cas le plus connu est celui de Joseph Joanovici, juif russe évoluant dans le milieu de la ferraillerie. Comprenant qu’étant juif et voulant protéger ses interets, il envoi ses propres employés au STO en Allemagne, soudoie les autorités d’occupations, finance la Résistance, informe secrètement le KGB russe et torture violement ses camarades résistants avec des papiers d’agent de la Gestapo. Résistant de la dernière heure, celui qui finira milliardaire passera la fin de sa vie derrière les barreaux des prisons les plus sécurisées.
Joseph Joanovici, collaborateur notoire de la mafia parisienne
Comme le dit Marcel Langer, commandant de la 35e Brigade de FTP-MOI de Toulouse au Procureur Lespinasse : « Mon sang retombera sur vos têtes ! ». Autrement dit, à la veille de la Libération les carottes sont cuites pour les sympathisants du Régime de Vichy. La « Chasse aux Collabos » commence …
Elle débute avec l’extraordinaire exécution de Philippe Henriot, voix de l’utra-collaborationisme à Radio Paris, le 28 juin 1944 par des membres du COMAC. S’en suivent les exécutions sommaires dans la rue d’anciens miliciens présents sur les fameuses « Listes Noires ». Le plus perturbant dans ces listes, c’est qu’ils étaient facilement identifiables par le terme de « Perturbateurs ». On peut citer ce gars de Savoie qui s’est écrié dans la rue d’avoir achetée une nouvelle voiture sur le dos de résistants qu’il avait traqué et abattu lui-même ou cette milicienne juive de seine et marne, qui complice des allemands et pas que, fit envoyer dans les camps de la mort toutes les membres d’un ghetto qu’elle connaissait très bien d’avant guerre dont ses parents.
Malheureusement, il y a aussi les erreurs comme l’incarcération à vie de certains civils innocents qui ont logés des soldats allemands pendant la guerre. Sous la poche de Saint-Nazaire, ces dénonciations hasardeuses sont des pratiques courantes.
La Libération annonce le début de l’épuration en France
Pour les femmes, celles-ci sont tondues dans la rue et humiliées publiquement comme le montre la photo de Robert Capa à la libération de Chartres. Cependant, l’actrice Arletty, grande gueule du cinéma français accusée par les FFI d’avoir couché avec un allemand s’écriera pour protester contre cette justice expéditive : « Si mon cœur est français, mon cul, lui, est international ! » et elle en rajoute avec cette phrase désinvolte « Si vous ne vouliez pas que je couche avec les Allemands, fallait pas les laisser entrer ».
Femmes tondues à la Libération de Falaise
Côté littéraire on est moins clément avec les collabos. Des comités « d’intransigeants » menés par Sartre, Camus et autre Aragon condamnent fermement les intellectuels extrémistes comme Brasillach (Les Sept couleurs (1939)) ou Jean Hérold-Paquis (Coups durs(1931)). Seul Sacha Guitry, visiblement agacé de devoir subir un interrogatoire qu’il estime illégitime, bénéficie d’une révision de procès sans suite et qu’immortalise Henri Cartier Bresson pour la postérité.
Le procès de Guitry annonce la fin d’une époque
A lire :
- Il était une fois en France, de Sylvain Vallée et Fabien Jury, ed. Glénat, 2007-2012, 15€
- La Milice française, de Michèle Cointet, ed. Fayard, 2013, 23€
A voir :
- L’armée des ombres, avec N.Ventura et S.Signoret, de Jean-Pierre Melleville, 1969
- Lacombe Lucien, avec P.Blaise et A. Clément, de Louis Malle, 1974