Décembre 1914, le front occidental s’est enlisé dans une véritable guerre de position. Les armées s’enterrent et s’observent. Dans cette affrontement d’un nouveau genre, 300 000 français sont déjà tombés au champ d’honneur. Dans le nord, secteur militaire le plus sanglant de toute la Grande Guerre, les tranchées sont à quelques mètres les unes des autres, dans un rapport de force toujours très instable. Ainsi, dans ce chaotique conflit, les fraternisations sont nombreuses. Les soldats communiquent par pancartes interposées sur le terrain, pour prendre des nouvelles de leurs camarades Teutons ou Poilus. Dans ce contexte, la Trêve de Noël 1914, reste la preuve d’une dernière once d’humanité, dans cette folie meurtrière de la Première Guerre Mondiale.
Une amitié franco-allemande, toujours plus solidaire, même dans la fureur des combats
La fraternisation de Noël 1914, repose sur une seule logique, faire semblant de se tirer dessus, avec des balles à blanc. En cette Sainte Nuit, les combattants s’offrent petites gâteries, comme le cigare allemand qui coule à flot. Les français, partagent eux leur pain blanc, et leurs vins de bourgogne ou de bordeaux, qui font fureur dans les tranchées adverses. Certains vont même jusqu’à rejouer, des pièces de Goethe ou Molière, en souvenir d’un passé culturel commun.
Ce Noël s’annonce sous le signe du « vivre et laisser vivre », selon cette très célèbre maxime de guerre. Les hommes n’ont pas d’autres choix d’observer un minimum de règles morales implicites comme ne pas tirer sur les porteurs de soupes. Plus précisément, on s’arrange entre voisins de tranchée. Chacun veut éviter l’horreur commune des combats. S’arranger le jour de Noël, c’est aussi faire annuler des inspections de la hiérarchie. Dans un coin de la Meuse, une compagnie allemande a demandée aux français de faire feu à blanc, sur leur tranchée, afin de repousser l’inspection journalière. Les français reçoivent en remerciement un objet significatif du destin des hommes dans le conflit, une pierre avec son mot accrochée, « Merci les cochons sont partis ».
En première ligne, les fraternisations reposent implicitement sur la reconnaissance de l’humanité de l’autre. La crainte des soldats pour les représailles, pousse les soldats à une loi de l’omerta sur les fraternisations. Néanmoins, sur le front de l’Alsace, des sapeurs français et des sturmtruppen allemands célèbrent Noël, le temps d’une matinée, en s’échangeant quelques cigarettes et autre alcools frelatés.
Témoignage : Pour cette trêve de Noël 1914, voici le témoignage de Oswald Tilley, soldat du London Rifle Brigade : « Pensez simplement que pendant que vous mangiez votre dinde… J’étais là, dehors, à serrer la main d’hommes que j’avais essayé de tuer quelques heures auparavant. C’était incroyable ! Le matin de Noël, comme nous avions pratiquement cessé de tirer sur eux, un Allemand a commencé à nous faire signe, et un de nos Tommies est sorti devant notre tranchée et l’a rejoint à mi-chemin où ils se sont salués. Au bout d’un moment, des types de chez nous sont sortis pour retrouver ceux d’en face jusqu’à ce que des centaines d’hommes, littéralement, en provenance des deux côtés, se retrouvent sur le "no man’s land" à se serrer la main, à échanger des cigarettes, du tabac et du chocolat ».
Sur chaque champs de bataille, des fraternisations entre les belligérants des deux camps
Ces contacts se manifestent aussi d’autres manière, plus fraternelles. En cette période de Noël, certains soldats communient tout spécialement par la religion. « Les Allemands chantaient une de leurs chansons, nous une des nôtres, jusqu’à ce que nous entamions ‘O Come All Ye Faithful’, et que les Allemands reprennent avec nous l’hymne en latin ‘Adeste Fideles’. Et alors je me suis dit : ‘Eh bien, c’est vraiment une chose extraordinaire – deux nations chantant le même chant de Noël en pleine guerre », raconte ainsi le soldat Graham Williams, de la London Rifle Brigade, dans l’une de ses lettres envoyée à sa famille.
Mais le plus touchant dans cette fraternisation de 1914, ce sont les parties de foot. Sur le front d’Arras, un match de football est organisé en allemands et britanniques. La partie est immortalisée par cette statue symbolique inaugurée par l’UEFA le 11 décembre 2014 à Ploegsteert en Belgique. Le Times du 1er Janvier 1915 illustre cet évènement. Le match Allemagne – Angleterre est bien loin de nos matches actuels de coupe du monde : le ballon est en fait un képi anglais, l’uniforme sert de maillot et les aumôniers servent d’arbitres. Sur un terrain en boue gelée, les « Fritz » ont battu les « Tommies », 3 à 2.
L’info + : Revivez les commémorations de Noël 1914, avec cette immersion au coeur des tranchées.
heyer
Bon blog