L’art et l’histoire sont indissociables à la liberté d’expression. Deux facteurs sociaux qui incarnent l’avenir de tout un peuple, proscrit et meurtris durant quatre années de conflit par l’angoisse de l’Occupation. Un engagement artistique insoupçonné pour que subsiste le prix de la Liberté.
Printemps 1941, en pleine Occupation, le régime dictatorial de Vichy en collaboration avec les troupes allemandes, décide de transmettre ses idéologies racistes et antisémites à la jeunesse.
Par le biais de bandes-dessinées xénophobes et fascisantes, comme l’espion et criminel américain, l’Homme Invisible et sa Thompson à camembert ou encore la bande des pillards bolchévique de Fantômas, les auteurs et illustrateurs fidèles au Régime tels Auguste Liquois incitent les jeunes et futurs adultes à rejoindre le STO pour la prospérité du pays. Comme le feront plus tard, les auteurs de la Résistance, les histoires développées encouragent l’engagement dans la Milice, pour contrer les activités terroristes des étrangers dans la Résistance ou encore le bien fondé de la collaboration avec l’Allemagne Nazie.
▲Marc le Téméraire sur le front de l’Est, dans un avion à croix gammée (qui ressemble au célèbre Junkers Ju 87 Stuka). (©️DR)
Survivre pour la jeunesse
À l’été 1944, l’Armée des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) est créée. Les maquis, grossis par les réfractaires et les patriotes deviennent des bataillons de la Liberté mieux organisés et mieux armés qu’au début du conflit. Engagés sur tous les fronts, de nombreux résistants participent à la libération des grandes villes comme Paris le 25 août 1944, et intègrent par la suite l’armée régulière afin de continuer la guerre jusqu’au 8 mai 1945.
▲Calvo, La bête est morte (1944-1945). La Bande dessinée au combat (©️DR)
Pour témoigner de l’ampleur de ce conflit mondial, l’illustrateur français, Edmond-François Calvo, publie une série uchronique intitulée La Bête est morte. Ses deux suites successives intitulées, « La Bête est morte … quand la bête est déchaînée » et « La Bête est morte … quand la bête est terrassée », abordent toutes les grandes batailles de la guerre, de Bir-Hakeim au Débarquement. Ainsi que les grands belligérants, tels Hitler et De Gaulle, et traitent également les thèmes de la Résistance, de la vie des Français sous l’Occupation, la Shoah et la répression allemande par le biais de sa sympathique et attachante ménagerie, composée de loups, de lapins, de bisons et d’ours.
À chaque périodique, son Héros !
Symbole fort du retour progressif de la démocratie, la multiplication de la parution des titres pour la jeunesse, se diversifie au fur et à mesure que le temps passe. Premier héros de cette longue histoire, le Capitaine Invisible, héros du maquis qui lutte pour la Liberté et qui témoigne de la vie des maquisards dans la France Occupée.
▲Fifi, premier personnage d’une longue liste héroïsant la Résistance (©️DR)
À l’image des super-héros de Marvel aujourd’hui, les combattants de la Résistance ont connu jadis, le succès auprès de la jeunesse. Pêle-mêle, FIFI : gars du maquis, Colonel X, LE GRËLE 7-13, Nicole et les 3 Mousquetaires du Maquis font le succès des maisons d’édition comme Coq Hardi et Vaillant, avec des histoires inédites et rocambolesques tournant autour de l’espionnage et du récit de guerre à l’ancienne.
▲Vision romancée de la Libération de 1944 par les auteurs de bandes dessinées(©️DR)
Néanmoins, ces différents périodiques n’oublient pas de rendre hommage aux grands héros de la Résistance. Le général Leclerc et ses fidèles soldats de la 2e D.B, héros de Koufra puis libérateurs de Paris et Strasbourg sont les stars du Journal TINTIN pendant un an. Quant au Colonel Fabien, chef de la résistance parisienne et commandant de la 1ere Armée du Rhin, il est le héros de sa propre bande dessinée parue en automne 1944.
Les débuts colorés de la SF
Ces récits alternatifs pourtant à la mode, sont risqués pour l’industrie de la publication. Le périodique « O.K » se lance le défi de créer une série entièrement fantaisiste et surtout surréaliste. Sous les coups de crayon du très talentueux, Albert Uderzo, le personnage du prince Rollin est né. Grand gaillard à la force légendaire et cousin éloigné du Gaulois Obélix, par son aspect physique, Rollin est un guerrier sans peur et sans reproche dans un Moyen Âge uchronique. Farouche adversaire des Goths et fin manieur de la massue, il se retrouve téléporté au cours d’un combat en pleine Seconde Guerre mondiale. Amnésique et fragilisé dans son orgueil, Rollin peut compter sur l’aide de son aidé fidèle valet, Clodo, pour distinguer ses amis de ses ennemis sans altérer le cours de l’Histoire.
▲Fusée lunaire, les plans secrets enfin révélés (©️DR)
Hergé, lui-même, s’est inspiré de la Seconde Guerre mondiale pour écrire les aventures du reporter Tintin. Dans son album, On a marché sur la Lune, la mythique fusée à carreaux rouge et blanc, la XFLR-6 est une parfaite copie du mortel missile allemand V2 qui terrorisa l’Angleterre durant cinq longues années. Notons, que le virage de la science-fiction des années 1940 est bien dans son rattachement au récit d’aventures populaires qui provoque sa démultiplication sur des supports à large diffusion.
Préserver le devoir de mémoire
▲La Résistance et ses héros se racontent désormais en bandes dessinées (©️DR)
Aujourd’hui encore, la mémoire et le vécu passé de la résistance sont encore très présents dans la bande dessinée. Des auteurs et dessinateurs tels Claude Plumail et Gibrat, dans leurs ouvrages très réalistes témoignent avec tragédie du quotidien des Français sous l’Occupation comme dans Vivre à en Mourir, Résistances et Il était une fois en France. Une explosion du sujet, des récits développés sous l’angle de la résistance humanitaire, qui nous rappelle que la bande dessinée est porteuse d’espoir, tout comme ses dessins qui, au fur et à mesure du temps qui passe et se rapproche de la fin de la guerre, deviendront de plus en plus fins, précis et colorés.
❖ Ne manquez pas l’interview de l’auteur, Jean-Christophe Derrien, à propos de son récit romancé de sa BD à succès « Résistances ».