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Edward Snowden, ennemi d’État

Hong Kong. 6 juin 2013. Dans sa chambre d’hôtel, l’ancien agent de la CIA, Edward Snowden, divulgue à des journalistes du Guardian des informations confidentielles liées à la sécurité nationale des États-Unis. 

Ces révélations chocs concernent les méthodes d’espionnage de l’Agence Nationale de Sécurité, sur la surveillance électronique à partir de la collecte de données privées issues du réseau Internet. Dans un contexte géopolitique tendu, l’affaire Snowden devient très vite une épine dans le pied de l’administration Obama, puisque révélatrice du plus gros scandal diplomatique de notre monde contemporain. 

Edward Snowden ne possède en rien, le profil du héros chevaleresque et altruiste. En effet, cet Américain moyen, fils d’un père garde-cote et d’une mère auxiliaire de justice, grandit avec les valeurs de la classe populaire dans la petite commune d’Ellicott City, au Maryland. Ce gamin surdoué, passionné par les jeux vidéo, les mangas et les arts martiaux, demeure cependant un garçon fragile, sensible et solitaire, durant sa jeunesse. Son éducation très conservatrice, lui forge un tempérament libertarien, ainsi qu’un sens prononcé pour la justice et le respect des valeurs humaines fondamentales. Patriote convaincu, Ed Snowden décide dès sa majorité d’intégrer les rangs de l’Armée, afin de mieux contribuer au rayonnement de son pays. Très vite, la frêle recrue de 20 ans des Forces Spéciales, se transforme à 22 ans, en un redoutable agent du renseignement de la CIA. Expert informatique très convoité par la NSA de Keith Alexander, Snowden se voit proposer un poste de consultant spécial à l’ambassade des États-Unis en Suisse. En 2009, il devient ainsi le plus jeune cadre de l’Agence Nationale de Sécurité.

❖ Comment un individu isolé, placé à un échelon subalterne de la hiérarchie de l’organisation pour laquelle il travaillait en tant que contractant, a-t-il pu déjouer les  systèmes de sécurité d’une structure aussi secrète que la National Security Agency américaine, qui emploie 60 000 personnes ? 

Les plus hautes autorités démocratiques agissent dans l'ombre

Après plusieurs missions à l’étranger comme à Tokyo ou Berlin, l’impétueux Snowden commence à remettre en question, les fondements démocratiques de l’Amérique. Notamment, les directives antiterroristes du gouvernement Obama, dans le cadre du programme « Stellar Wind ». Déçu par le fonctionnement des services de renseignements américains, il demande son transfert pour Hawaii en tant qu’informaticien détaché, pour le compte de l’entreprise Booz Allen Hamilton. Mais ce qu’il va découvrir là-bas, va encore plus heurter sa sensibilité éthique et ses idéaux moraux. En effet, cette entreprise sous-traitante de la NSA, traque les métadonnées des utilisateurs d’Internet, par l’intermédiaire d’un système de codage numérique appelé PRISM. Conscient du danger que cela représente pour la démocratie, il pirate à son initiative personnelle, cette banque de données ultra-confidentielle. Snowden parvient à condenser sur une petite clé USB, près de 15000 documents top-secret, important de dévoiler à la face du monde. En cette fin d’année 2012, Edward J. Snowden, petit militant pour les libertés numériques, deviens le lanceur d’alerte le plus recherché d’Amérique, dans une nation sous surveillance au nom de la Liberté et de la justice pour tous.

Soucieux de dévoiler au monde entier les pratiques illégales de la NSA, Snowden décide de prendre contact avec le journaliste indépendant Glenn Greenwald, sous le pseudonyme ANON.108. Malgré l’échange de plusieurs courriels codés, Greenwald ne donne aucune suite à la demande de ce dernier, puisque incapable de protéger ses sources en les cryptant. L’informaticien se tourne alors vers la réalisatrice Laura Poitras, en février 2013, pour lui confier ses découvertes sur les programmes de surveillance américains. Snowden va ainsi communiquer plusieurs informations secrètes à Poitras, par l’intermédiaire du système GPG. Les communications anonymes et sécurisées, vont permettre à Snowden, camouflé en « Citizen Four », de dire toute la vérité à la journaliste. Prétextant des problèmes de santé à sa petite amie, Lindsay Mills, Snowden part se réfugier à Hong Kong le 20 mai 2013. Avec cette extradition opportuniste, Ed espère échapper au courroux du gouvernement américain.

Trois jours plus tard, les journalistes rejoignent le lanceur d’alerte dans un rendez-vous clandestin. Sur la terrasse de l’hôtel Mira, Snowden attend Poitras et Greenwald, un rubik’s cube à la main, pour être identifiable plus facilement à leurs yeux. L’homme qu’ils vont découvrir n’est pas le grand pontife qu’ils espèrent. Mais un trentenaire paranoïaque et susceptible, la silhouette chétive et longiligne, le visage d’un adolescent avec des lunettes kitsch. Durant l’interview, Snowden est filmé à visage découvert par Laura Poitras. Il se dit prêt à sacrifier son confort actuel, sa famille et ses amis, au profit de la Liberté et des droits de l’Homme. D’après lui, l’humanité doit connaitre l’existence du système SIGINT, une arme au pouvoir illimité mais sans garde fou. Le 9 juin 2013, l’identité du lanceur d’alerte Edward Snowden est révélée aux yeux du grand public. Le Guardian puis le Washington Post annoncent successivement, les méthodes illicites du renseignement américain, à l’échelle mondiale. Ces révélations vont ainsi aboutir, à la plus grande chasse à l’homme de tous les temps.

❖Après les révélations du « Guardian » et du « Washington Post », la source des journaux a décidé de révéler son identité. Il est à l’origine de l’une des plus importantes fuites de l’Histoire des Etats-Unis. Explications.

On ne peut pas s’opposer aux services secrets 

Dès l’annonce de l’identité du « Whistleblower », la traque est lancée par le président Obama, pour capturer le traître. Les plus hauts dignitaires américains comme Michael Hayden, Dianne Feinstein, John Kerry ou Jay Carney, demandent son extradition de Hong Kong, afin qu’il puisse être jugé dans son pays. Les services de renseignements se pressent d’envoyer plusieurs agents infiltrés sur place, avant que Snowden ne soit retrouvé par la police secrète de Pékin. Dans cette nouvelle guerre de l’information, des journalistes du monde entier s’amassent dans la Z.E.S, pour dénicher de sa cachette l’espion rebelle. Le jour de ses 29 ans, Snowden reçoit d’ailleurs un mandat d’arrêt pour espionnage, vol et usurpation de bien gouvernementaux. Pour échapper à ses ravisseurs, Snowden contacte WikiLeaks en secret. Bien que réfugié à Londres, Julian Assange dépêche sur place, son bras droit, Sarah Harrison. Une guérilla, s’amorce donc dans l’ombre, entre la très controversée ONG et la première puissance mondiale. Snowden est désormais un individu isolé, dans une juridiction étrangère qu’il ne maîtrise pas, et la cible de la plus grande chasse à l’homme jamais vue.

Malgré le soutien de la population locale, il demeure pourtant un paria pour les gouvernements occidentaux. Réfugié dans un bidonville en banlieue, il parvient à échapper à la vigilance des autorités locales. À l’aéroport international de Kai Tak, la situation se complique pour Snowden. Le gouvernement américain émet un mandat d’arrêt international au nom d’Edward James Snowden. À la douane, Edward Joseph Snowden peut passer sans crainte, la police n’a rien contre lui. L’avion décolle vers Cuba et Harrison peut le rassurer, Snowden est libre. Malheureusement, la simple escale à Moscou vire au cauchemar. L’ancien agent de la CIA, se retrouve dans un improbable imbroglio politique dont la Russie tire les ficelles. Les médias du monde entier s’amassent donc dans la zone de transit de Cheremetiev, pour obtenir les premières déclarations de Snowden. Retenu contre son grè, il bénéficie cependant du soutien diplomatique de l’Équateur, du Venezuela et de la Bolivie. Washington met alors la pression sur ses alliés européens, qui ferment leurs espaces aériens respectifs. Dans ce véritable jeu du chat et de la souris, l’asile politique se complique. La présence de Snowden à Moscou, cause un début de crise mondiale entre les deux super-puissances, la Russie et les États-Unis. Accusé de trahison envers sa propre patrie, Snowden se voit annulé son passeport américain. En réponse à la décision antidémocratique de Barack Obama, Vladimir Poutine lui accorde l’asile politique pour une durée de trois ans.

L’affaire Snowden est loin d’être terminée. Un an, après le très acclamé Citizenfour de Laura Poitras, le biopic d’Oliver Stone fait déjà trembler le gouvernement américain. Son approche ambigüe de la société états-unienne, est loin d’encenser les responsabilités de l’administration Obama sur la plus grosse fuite de documents classés secret défense. Ce nouvel ambassadeur des libertés numériques, va-t-il contribuer à la naissance d’une société nouvelle, loin de la pression étatique des programmes de « Big Brother ». Alors Snowden, messie ou parjure ?

En savoir +:

❖ Nulle part où se cacher, de Glenn Greenwald, ed. JCLattès, 20,00€

❖ Le Dossier Snowden – Les services secrets au coeur d’un scandale planétaire, de Luke Harding, ed. Belin, 22,00€

❖ Hackers : Au coeur de la résistance numérique, de Amaelle Guitton, ed. Au Diable Vauvert, 17,00€

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