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Billet éditorial

G7 : Règlements de comptes à OK Corral

Entre chamailles et brouilleries, la 44e édition du Groupe des Sept à Charlevoix, au Canada, a tourné au fiasco. Ce qui devait amorcer l’ère d’une puissante coopération multilatérale s’est soldé par une désolidarisation des États-Unis vis-à-vis de l’Europe. Une guerre des egos qui laisse pantois une communauté internationale désunie et désormais illégitime à régler les crises dans le monde.

Un feuilleton rocambolesque et violent digne de Game of Thrones ou d’House of Cards, voilà le scénario qui attendait les chefs d’État Allemands, Français, Italiens et Américains à l’issue de la tenue du sommet du G7 à Charlevoix, les 8 et 9 juin derniers. Jamais, l’équilibre diplomatique et économique de la planète, n’a autant été mis à rude épreuve. Face à un Donald Trump enfantin et vulgaire, la chancelière Angela Merkel a répliqué avec fermeté pour remettre sur les rails une assemblée totalement dépassée par la gravité de l’événement. Dans cette atmosphère belliqueuse, où le héraut de l’Amérique semblait impassible et déjà tourné vers son entrevue avec Kim Jong Un, les bonnes volontés du président de la Commission Européenne, Jean-Claude Junker et du Premier ministre japonais, Shinzo Habe n’ont pu permettre de faire infléchir la position du dirigeant américain sur les dossiers de la taxation sur l’aluminium et l’acier à l’Union européenne et au Canada, les changements climatiques, l’irrégularité des guerres commerciales et le nucléaire iranien.

Seul contre tous, la séquence montrant Donald Trump face à ses homologues à virilement fait le tour du monde et des réseaux sociaux. En grand habitué de la twittosphère, le fantasque milliardaire s’est empressé de poster ses réactions à l’issue de la réunion par l’intermédiaire de la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders en publiant les premières images de la confrontation. Très vite suivi par Angela Merkel, Emmanuel Macron et Giuseppe Conte, qui ont immédiatement répliqué sur leurs comptes officiels pour faire taire cette cacophonie naissante. Mais la toile réserve son lot de surprises …. Mèmes graveleux, détournements parodiques, certains internautes retiendront la pugnacité de Merkel face à l’irrévérence du milliardaire pour l’immortaliser tel un De Vinci ou un Rembrandt. Une photographie pour l’Histoire qui marque le début d’un divorce idéologique entre les États-Unis et ses alliés de l’OTAN.

Make America great (solo) again ???

En affaiblissant les négociations du G7, Donald Trump souhaitait sûrement montrer son aspect guerrier, en vue de sa confrontation du 12 juin avec Kim Jong Un. Une chose est sûre, en balayant d’un revers de main les accords passés durant le sommet et twittant agressivement contre ses alliés depuis l’avion présidentiel Air Force One qui le mènerait à Singapour, celui-ci a renforcé le doute sur l’instable politique étrangère des États-Unis. Désirant ne laisser paraître aucune faiblesse face au leader nord-coréen, ce coup de sang précipité ne va pas rassurer ses voisins européens. En effet, Washington ne fera plus aucune preuve de compassion envers la Communauté Européenne. En optant pour une confrontation directe et forcée, la première puissance mondiale espère faire plier en sa faveur ses partenaires économiques.

Bafouant le principe même du multilatéralisme et en mettant en péril les renégociations de l’ALENA, le président à signifié son rejet profond de la soumission industrielle et commerciale de son pays envers les barrières douanières internationales. Ce dernier a alors adressé une alternative portée sur des sanctions à l’encontre du vieux continent. En faisant voler en éclat la déclaration commune sur le commerce, Trump veut ainsi consolider le souverainisme américain sur les flux de marchandises de la planète. Et plus encore, en bon businessman qu’il est, de tout renégocier à son avantage.

La lubie démagogique de Trump sur sa vision étriquée du monde isole et fragilise d’autant plus le pays de la Liberté. En souhaitant réintégrer la Russie au G7, le septuagénaire espère rouvrir les débats au grand dam de ses partenaires européens. Avec sa pensée à court terme sur l’extérieur, Donald Trump demeure un perturbateur exclusif d’un monde déjà bien agité. Ce qui inquiète les initiés aux États-Unis : ces derniers estiment que cette partie-là de l’électorat n’est pas la plus à même de juger des intérêts américains à l’extérieur. Le G7 de Trump demeure le symptôme d’une Amérique profondément brutale et capable de mettre en miettes l’équilibre du monde. En sortant les griffes sur des négociations déjà houleuses, Trump a ouvertement critiqué les faiblesses de l’Europe notamment sur sa gestion de la crise migratoire ou encore de son inefficacité militaire. Une fois de plus, Trump ne cesse de diviser pour mieux à l’image de son adage populiste, « Make America great again ! ».

Solidarité Européenne

Entre désarroi et inquiétude, l’Union Européenne n’est pas ressortie au mieux de sa forme à l’issue des négociations du G7. L’heure est désormais aux nouvelles alliances stratégiques ainsi que de changer de cheval de bataille. À l’image des heurts entre Trump et Merkel, le climat semble montrer que les États-Unis considèrent ses principaux alliés comme un handicap à son épanouissement économique. Les réactions des diverses délégations allemandes et françaises sont unanimes, il faut que face à l’inconsistance du discours américain, il faut faire front commun pour que l’Union Européenne puisse rebattre ses atouts économiques et sociaux, afin de redevenir un espace de prospérité qui ne laisse pas le monde au bord du chemin.

Partisane de la ligne souverainiste de Macron, faisant demeurer l’Europe comme un espace de libre-échange astreint de toutes barrières douanières, Angela Merkel recommande l’alliance étroite et historique entre la France et l’Allemagne. Plus encore, le vieux continent ne doit plus courir, ni céder aux pressions infantiles de l’ogre américain. Bien que très proche depuis leur entrevue d’avril dernier à Washington, le président de la République, Emmanuel Macron se veut encouragent quant à la politique commerciale européenne. Il revient au président français, plus qu’à tout autre, de donner cet élan, de livrer et d’éclairer son projet, de le partager avec l’Allemagne et tous les autres pays de l’Union. À l’image des accords transcommerciaux passés en avril avec le Mexique et l’Uruguay, l’Union Européenne va désormais observer un virage radical vers une autonomie de libre-échange. Avec ce paysage international qui devient trouble et périlleux, la « vieille U.E » doit désormais faire jeu égale avec les grands de ce monde, Russie, Iran, Corée du Nord et évidemment les turbulents États-Unis, afin de compter que sur elle-même pour prendre son destin en main.

M.C.

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